Préambule aux statuts de Sorbonne Université

Préambule proposé par Nous Sommes l’Université à l’Assemblée Constitutive Provisoire du 13 juin 2017 :

L’université doit mettre toutes ses forces au service d’un seul principe : une indissociable exigence intellectuelle et morale.

Exigence intellectuelle : recherche et enseignement ne font qu’un. L’objet du travail universitaire, qu’il soit de recherche ou d’enseignement, est que ses acteurs et ses destinataires voient transformée leur intelligence des choses. C’est par là aussi développer leur capacité de penser, de questionner et de critiquer. En un mot : développer les conditions de la liberté. C’est une quête qui, si elle met à contribution la raison et ses outils, serait vouée à l’échec si les goûts et la passion ne s’en mêlaient aussi.
Exigence morale : le développement des capacités de reflexion, la rigueur de raisonnement, l’esprit critique sont incompatibles avec l’acceptation, l’encouragement ou pire l’organisation de l’injustice. Le maintien et plus encore l’aggravation des injustices constituent ainsi un obstacle à l’essort intellectuel, l’ignorer insulte la raison et suscite des conflit moraux insolubles et douloureux. Leur familiarité n’excuse pas les injustices que sont la précarité, l’exploitation, le pouvoir sans contre-pouvoir, la prééminence de la bureaucratie ou la distribution de privilèges dont on ne sait jamais s’ils vont au mérite ou à la soumission mais qui restent toujours aveugles à la complexité des contributions de chacun au projet collectif. Là résident l’unité de ces deux exigences, intellectuelle et morale, et l’impossibilité de poursuivre l’une sans l’autre.

Tout ce que nous entreprenons doit découler du principe fondamental ainsi énoncé et lui rester subordonné. Abandonner ce principe, ou feindre de croire qu’il doive se manifester sous une forme mesurable, rentable et programmable conduit inéluctablement à un utilitarisme toujours plus grand et toujours plus destructeur. Nous devons résister sans faiblir à toutes les tentatives de dénaturer l’essence même de l’université, quelques louables que soient les justifications présentées, quels que soient les bénéfices que nous pourrions en tirer, quelles que soient les pressions qui viendraient à s’exercer, d’où quelles viennent. L’université doit pouvoir échapper aux pressions, non pour le confort de ses membres mais parce que tout autre choix mène à sa perte. Plus nous singerons d’autres sphères d’activité régies par d’autres règles, plus nous nous interrogerons sur notre utilité et plus s’imposera la réponse que nous ne servons à rien. C’est dans le respect de sa spécificité que l’université sera en mesure d’accomplir l’ensemble des missions qui lui sont assignées, et à cette condition seulement.